Lotfi Abou Sariya a débuté ses études artistiques à l’Académie des Beaux-Arts du Caire, dont il est sorti déplômé avec Grande Distinction. Il a ensuite obtenu le Brevet d’Excellence de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, et poursuivi ensuite l’étude des techniques de gravure et de lithographie à l’Académie RHok à Bruxelles.
Il utilise plusieurs techniques pour son art : peinture à l’huile, gouaches, pastel gras, réactions chimiques, gouache sur papyrus, gravures, lithographies.
Son œuvre lui a valu d’être auréolé de divers prix et récompenses, tant en Belgique qu’à étranger. Au nombre de ces marques de reconnaissance : Premier prix du jury et premier prix du public au Salon d’Ensemble à Court-St-Etienne (1976-1977), Finaliste au Concours International Manuel `Scorsa (1990),… Un dessin sur papyrus a été reproduit par l’organisation du l’UNICEF à New York sur ses carte de voeux en 1973, ainsi que dans son agenda de 1974.
Lotfi Abou Sariya est membre actif dans diverses Associations : Egypte : El Ghouri centre, Syndicat d’Artistes Egyptiens, Atelier du Caire, Les Amis de Beaux Arts, National Art gr., Belgique : Cercle d'art de Kraainem . Il est également Président du cercle d’Artistes Sans Frontières Europe.
Des œuvres de Lotfi Abou Sariya ont été acquises par la ville de Brugge, la Maison communale de Kraainem, le Musée de la Faculté des Beaux-Arts du Caire (Egypte).
Comment mieux décrire cet artiste et son œuvre que ne l’a fait le Professeur Dr Roland Tefnin, Egyptologue et Historien de l’Art ? Avec la permission de l’artiste, nous reproduisons ici quelques extraits du discours de ce dernier à l’occasion d’un vernissage en 2005 :
« Dans une œuvre de peinture (puisqu'il s'agit ici de peinture), deux champs coexistent et s'entremêlent indissolublement, le champ de la pensée (vase clos) et celui de l'expression qui permet au message de se diffuser. Ce champ est celui que balisent le geste, la main du sculpteur ou du peintre, le tracé sur du papier d'un plan d'architecture ou de notes de musique. Pensée et écriture... Selon le tempérament de l'artiste, le message peut être plus ou moins explicite, la forme plus silencieuse ou plus bavarde, ce qui fait l'œuvre réussie, c'est l'accord profond entre les deux, entre la forme qui interpelle le spectateur, l'oblige à s'arrêter pour lire le tableau et ce que le tableau contient en profondeur, le message sous-jacent que l'artiste a voulu délivrer.
La peinture de Lotfi Abou Sariya représente un parfait équilibre entre une expression forte - l'expression puissante des formes, des couleurs, de la mise en page - et un message qui se découvre peu à peu et est distillé subtilement.
La sobriété des compositions, presque toujours centrée (concentrée) sur un buste ou un visage de femme également sobre, jusqu'au hiératisme donne un aspect formel à ces peintures ; les courbes que cette femme stylisée génère, courbes qui, comme des ondes sensuelles, parfois des tourbillons, paraissent investir le paysage, s'y répercuter ; l'étrange dialogue du sujet avec le paysage, sans jamais toutefois le regarder laisse au spectateur l’opportunité de saisir le lien qui les unit.
Lotfi est natif de Tanta, dans le Delta occidental du Nil mais les femmes qu'il peint sont des femmes du Sud. Elles ont la beauté simple et altière des femmes du Sa'îd et de Nubie, leur teint foncé et leur profonds yeux noirs. Les yeux et la coiffure de ces femmes impressionnent le peintre, il y revient sans cesse.
Les femmes de l'Ancienne Egypte, celles que l'on voit représentées dans les admirables peintures de la nécropole thébaine, à l'époque du Nouvel Empire, ces femmes n'étaient guère différentes des Égyptiennes d'aujourd'hui. Elles avaient déjà cet éclat noir, cette forme étirée en amande, cette profondeur du regard. Mais heureusement, le peintre, profondément sensible à la tradition culturelle extraordinairement riche de son pays, ne tombe pas dans ce que nous appelons, en Europe, l'égyptomanie. Jamais il ne donne l'impression de copier un visage tiré d'une peinture antique. Il va bien au-delà.
De même pour les paysages. Fasciné par les villages de Nubie, que les eaux du lac du Haut Barrage ont engloutis depuis 40 ans, il ne cède jamais au pittoresque, à la scène de genre. Sa peinture va à l'essentiel. Il élève son Egypte à la dimension de l'humanité tout entière.
A passer de toile en toile, le message se fait peu à peu perceptible.
Aucun de ses personnages, souvent tournés vers nous, ne sourit. J'ai pensé au regard des admirables portraits du Fayoum, de facture mixte, romano-égyptiennes, dans les premiers siècles de notre ère. Le regard d'êtres saisis de gravité, en proie à une profonde mélancolie. Comme ces portraits funéraires, les femmes de Lotfi portent en elles un malheur, qui pourrait bien être, au-delà d'elles, tout le malheur du monde.
Le monde, l'univers sont partout présents dans les toiles de Lotfi, pas la foule concrète des humains, grouillante et parfois pittoresque, mais le monde dans sa symbolique la plus universelle, la plus décantée, la plus forte, celle de la sphère, de la boule rouge du soleil (parfois sous la métaphore d'une pomme rouge que la femme tient et élève comme un globe - voir illustration). Ce soleil si obsédant en ce pays de Haute Egypte et de Nubie où il ne pleut quasiment jamais, où le mouvement cosmique s'exprime dans sa parfaite régularité.
C'est le premier niveau du message : l'harmonie universelle, la beauté, celle des astres et, sur notre terre, celle de la femme, de la musique, de la culture, qui est paix et sérénité….
… Si, avertis, on reste attentifs à ces indices, on s'aperçoit, en parcourant les œuvres, d'une multitude de signes négatifs parsemant l'arrière-plan des tableaux.
Les ondulations sensuelles du désert, qui répondent aux courbes féminines, sont piquées de cactus hérissés de pointes, et ce ne sont pas des cactus égyptiens mais des cactus empruntés au nouveau monde, comme pour dire l'universalité du malheur qui menace.
Ailleurs, des bouquets d'agaves rouges hérissés comme des glaives sanglants, des arbres morts, de vagues fumées d'incendie, des villages devenus des fantômes, et cette femme nubienne qui esquisse un geste de défense contre le sort qui, bientôt, l'engloutira . Harmonie et mort. Paix et guerre. Équilibre cosmique et pendule humaine détraquée...
Voilà, je pense, l'essentiel du message que veut transmettre Lotfi Abou Sariya : l'universalité de la beauté, de la sérénité et de la concorde, mais aussi la certitude tragique du danger qui rôde, celui du désordre, de la folie et de la guerre ; un hymne à la paix, à la beauté, à l'intelligence sensible des femmes, mais aussi à leur amertume devant la folie destructrice. C'est cela que j'ai cru discerner dans la peinture de Lotfi Abou Sariya, mais libre à vous de puiser dans la richesse de son expressivité symbolique d'autres lectures. Ce qui compte, évidemment, c'est que chacun la regarde avec ses propres yeux, avec son propre cœur ».
Professeur Dr Roland Tefnin - Egyptologue et Historien de l'Art. au vernissage de l’exposition du peintre le 6/5/2005 Galerie Gavilan à Stokkel
Exposition à la Pommerage du 24 octobre au 8 novembre 1998 (avec le Cercle d’Art de Kraainem).